par Andrea Shalal et Susan Heavey
Donald Trump a opéré mercredi un revirement saisissant à propos des droits de douane, annonçant qu'il suspendait pour 90 jours les taxes dites "réciproques" tout juste entrées en vigueur sur les importations de dizaines de pays, à l'exception de la Chine, visée au contraire par des droits de douane encore alourdis.
Effectuée à la mi-journée, via son réseau social Truth, l'annonce du président américain a redonné du souffle aux marchés financiers. Les principaux indices de Wall Street ont enregistré des pourcentages de hausse sans précédent depuis des années, sans toutefois revenir au-dessus de leurs niveaux de clôture du 2 avril - date à laquelle Donald Trump a présenté un panel de taxes réciproques, entre 11% et 50%, visant les produits de dizaines de pays importés aux Etats-Unis.
Une taxe de 10% - soit le taux présenté la semaine dernière comme "plancher" - va toutefois continuer de s'appliquer durant cette pause, a fait savoir la Maison blanche, précisant que le Canada et le Mexique n'étaient pas concernés par l'annonce. Les produits canadiens et mexicains soumis à des droits de douane de 25% continueront de l'être, a-t-elle dit.
Idem, les droits de douane sur l'automobile, l'acier et l'aluminium imposés au préalable vont rester en vigueur, a déclaré la présidence américaine.
Mises en place à compter de 04h01 GMT, les vastes taxes réciproques ont propagé l'inquiétude d'une récession mondiale et déclenché des mesures de rétorsion de la part de la Chine et de l'Union européenne, tandis que d'autres pays s'étaient gardé de toute contre-mesure en tentant d'obtenir des concessions de dernière minute de la part de Washington.
Les marchés financiers mondiaux ont connu ces derniers jours une volatilité inédite depuis le début de la crise sanitaire du COVID, avec des trillions de dollars de valeurs de marché effacées à Wall Street en quatre séances consécutives et une envolée des rendements obligataires.
"MAL À L'AISE"
"J'ai vu hier soir que les gens devenaient un peu mal à l'aise", a déclaré Donald Trump à des journalistes dans le Bureau ovale peu après son annonce. "Le marché obligataire est magnifique maintenant", a ajouté le président américain, disant par ailleurs qu'il fallait "être flexible".
Depuis son retour à la Maison blanche en janvier pour un second mandat, Donald Trump a régulièrement menacé les partenaires commerciaux des Etats-Unis de mesures punitives, avant de s'abstenir plusieurs fois à la dernière minute.
Ces revirements incessants du président américain ont déconcerté les dirigeants mondiaux et crispé les patrons d'entreprises, qui déplorent un climat d'incertitude rendant difficile toute planification.
Une constante, toutefois: la pression exercée sur la Chine, dont les produits vont être taxés à compter de jeudi 04h01 GMT à 125%, contre un taux de 104% tout juste entré en vigueur mercredi matin, amorçant une nouvelle escalade de la guerre commerciale entre les deux plus grandes puissances économiques mondiales.
Donald Trump, qui n'a pas exclu mercredi après-midi un accord avec Pékin, a expliqué que la pause de 90 jours permettrait de faire avancer le dialogue noué avec Washington par des dizaines de pays désireux de trouver une solution sur les droits de douane.
La Chine avait répété qu'elle ne céderait pas face au "chantage" des Etats-Unis, annonçant des droits de douane de 84% sur les produits américains à compter de jeudi - une mesure de représailles dénoncée par Donald Trump et citée comme motif du relèvement des taxes américaines à 125%.
"STRATÉGIE DEPUIS LE DÉBUT"
Déplorant le "manque de respect" de la Chine à l'égard des marchés mondiaux, Donald Trump a dit dans la matinée espérer que Pékin réaliserait que "le temps où (il) arnaquait les Etats-Unis et d'autres pays n'est plus viable ni acceptable".
Le président américain a dit sur les réseaux sociaux que plus de 75 pays étaient entrés en contact avec Washington pour "négocier une solution". "Ces pays n'ayant pas, comme je l'avais fortement suggéré, effectué des représailles (...), j'ai autorisé une PAUSE de 90 jours, et des droits de douane nettement abaissés durant cette période, à 10%", a-t-il écrit.
Interrogé par les journalistes, le secrétaire américain au Trésor a rejeté tout lien entre la pause annoncée par Donald Trump et les secousses sur les marchés financiers.
Scott Bessent a ajouté que la décision du président américain récompensait les pays n'ayant pas pris de mesures de représailles contre les Etats-Unis, laissant également entendre que les droits de douane ont été utilisés comme un "levier maximal" de négociation.
"C'était sa stratégie depuis le début", a-t-il dit à propos du chef de la Maison blanche. "Et on pourrait dire également qu'il a mis la Chine en mauvaise posture. Ils ont répondu. Ils ont montré au monde qu'ils étaient les malveillants".
Chargé de superviser les négociations au cas par cas avec les dizaines de pays, Scott Bessent a refusé de dire combien de temps ces discussions pourraient prendre.
Donald Trump s'est entretenu avec les dirigeants japonais et sud-coréen, tandis qu'une délégation vietnamienne devait rencontrer mercredi des représentants américains.
(Susan Heavey, Andrea Shalal, Doina Chiacu et Andy Sullivan; version française Jean Terzian)
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